Vie et mission

Les vies d’Adrienne von Speyr et de Hans Urs von Balthasar s’éclairent à partir de leur mission commune. En son centre, une communauté appelée à vivre dans le monde du mystère du Dieu-Trinité et une théologie qui exprime ce mystère.

Deux chemins qui se rencontrent pour mener une œuvre en commun

« Dans l’Église, il existe des missions à deux qui, comme des demi-lunes, sont appelées à se compléter, chacune ayant été conduite par le chemin compliqué qui était nécessaire pour arriver finalement à la bonne combinaison. »

Adrienne von Speyr

Hans Urs von Balthasar et Adrienne von Speyr se rencontrent en 1940 à Bâle. À l’époque, ce jésuite de 35 ans, natif de Lucerne, a amorcé une œuvre théologique déjà reconnue et vient d’arriver sur les bords du Rhin comme aumônier d’étudiant. Adrienne, née à La-Chaux-de-Fonds en 1902, est quant à elle médecin généraliste - l’une des premières femmes à exercer cette profession en Suisse. Tout en ayant grandi dans le protestantisme, elle porte depuis son enfance une attirance pour le catholicisme. La rencontre avec Balthasar lui permet de faire le pas décisif et il la reçoit dans l’Église catholique le 1er novembre 1940.

Dès lors, Adrienne reçoit une abondance de grâces, qui l’ouvre à une contemplation nouvelle des Écritures et du mystère trinitaire. Balthasar, son confesseur, en est le témoin et en recueille les fruits sous sa dictée afin de les transmettre à l’Église. À cette fin, il fonde les éditions Johannes Verlag, publiant les quelque 60 volumes de l’œuvre d’Adrienne. Cette vision nouvelle nourrit aussi l’œuvre de Balthasar (environ 115 ouvrages) qui devient l’un des plus importants théologiens du XXème siècle, « un maître sûr dans la foi, un témoin de la Parole, duquel nous pouvons apprendre la Vie » (Card. J. Ratzinger). En 1945, Balthasar et Adrienne fondent la Communauté Saint-Jean, un institut séculier qui unit présence dans le monde et consécration à Dieu.

Adrienne von Speyr et Hans Urs von Balthasar à Cassina d’Agno (Suisse), 1950

La mission

Une « ouverture ignatienne vers le monde qui n’a d’autre point de départ que la Croix, origine de toute fécondité »: ainsi s’exprimait Hans Urs von Balthasar pour décrire devant le pape, en 1984, l’idée fondamentale qui sous-tendait leur mission commune avec Adrienne et la fondation de leur communauté. Une perspective qui puise au cœur du mystère chrétien pour vivre et demeurer au cœur d’un monde sécularisé.

Sous la Croix se trouve Jean, le disciple bien-aimé, « compagnon de Jésus » par excellence, et de ce fait complément idéal d’Ignace. Au pied du Crucifié, contemplant l’obéissance parfaite du Fils qui meurt et descend aux enfers, il perçoit la révélation de l’amour trinitaire et la source ultime de l’espérance. Jean est « le théologien » par excellence et en le surnommant ainsi la tradition orientale souligne qu’il n’y a pas de théologie sans attitude de contemplation et d’adoration, au service d’une sainteté vécue.

Le monde est la création très bonne du Père. Il l’a tant aimé qu’il a donné son Fils pour le sauver. Ainsi Dieu peut, comme dit saint Ignace, être cherché et trouvé en toutes choses : la révélation du Dieu qui se montre, se donne et se communique en elles est l’achèvement surabondant de toute beauté, bonté et vérité du monde, selon la vision de la grande trilogie balthasarienne. Ce Dieu qui se laisse spécialement trouver et aimer dans le frère souffrant.

« Femme, voici ton fils » : du haut de la Croix, le Fils fonde le noyau virginal de son Église. « Mon fils bien-aimé, voici ta Mère », mène-la au centre de mon Église universelle dont j’ai confié l’unité à Pierre. Dans la contemplation de ces paroles, Hans Urs von Balthasar et Adrienne von Speyr ont perçu la source de la vie consacrée à Dieu dans l’observance des conseils évangéliques (pauvreté, virginité, obéissance). Une consécration qui ne fuit pas le monde mais qui demeure une véritable « sequela Cristi »: suite du Christ dans sa donation eucharistique pour le salut du monde.