Les trois volumes de Terre et Ciel (VIII-X de l’œuvre posthume)

Le contenu de ce journal justifie le titre Terre et Ciel (même si, pour être exact, il aurait fallu ajouter Enfer, mais celui-ci est inclus dans la Terre qui comprend tout ce qui est éloigné de Dieu). Bien sûr, le thème de « terre et ciel » se retrouve dans plusieurs passages – Adrienne s’est fait promettre qu’elle « vivra sur terre et dans le ciel », qu'elle apprendra à connaître le ciel depuis la terre et la terre depuis le ciel – mais il caractérise plus largement le mouvement fondamental de toute l’existence d’Adrienne.

En effet, elle a dû apprendre à connaître les diverses relations entre le monde des mortels et le monde de Dieu et des immortels, leurs modalités de proximité et d’éloignement, d’identité et de différence. Ces relations et la manière de les vivre présentent toutefois de telles variations qu’il sera à jamais impossible d’en faire un système. Néanmoins, on peut dire que le lieu théologique d’où Adrienne déploie son existence n’est pas – comme chez beaucoup d’autres mystiques – le chemin qui va de la terre au ciel, mais la communion des saints, que ces derniers se trouvent au ciel ou sur terre. Pour être plus précis, ce lieu c’est l’échange ininterrompu entre les saints du ciel et les saints de la terre, en un mot : l’Église dans sa dimension totale et sa pleine vitalité.

L’ensemble du Journal manifeste une progression claire et constante. Alors que dans la partie I Hans Urs von Balthasar a seul la parole et reproduit les mots d’Adrienne dont il se souvient, dans la partie II Adrienne prend de plus en plus la parole (ce à quoi elle s’est habituée durant ses dictées où Balthasar sténographiait à ses côtés ce qu’elle disait), et dans la partie III elle est quasiment la seule à parler.

Volume II: « La période des grandes dictées »

Les années de « la mise en route » sont finies. En mai 1944 a débuté la période des grandes dictées qui remplissent le temps de travail (parfois très limité) et surtout occupent le centre de l’attention. La densité, les dimensions de ce travail s’éclairent à partir de la chronologie suivante qui manifeste la richesse de la production littéraire de ces années :

1944

• Mai : début L’Évangile selon Saint Jean (4 volumes).
• 22 juin : fin du chapitre 6.
• 22 octobre : chapitre 14.

1945

• Février : chapitre 19.
• Mai : chapitres 20-22.
• Août : début de L’Apocalypse (2 volumes, terminé durant l’été 1946), accompagné d’innombrables expériences de « l’enfer » et de ravissements (les « excursions »).
• Simulanément, début du Filet du pêcheur.
• Septembre : esquisses de La Servante du Seigneur.
• Octobre : Sur le péché original (Œuvres posthumes. Tome IV).

1946

• Janvier-février : La Servante du Seigneur.
• Février : début de La Genèse [=La Création].
• Début des Fragments autobiographiques
• Mars-avril : Première épître de Saint Jean.
• Début du Livre de tous les saints.
• Août-octobre : Le Sermon sur la montagne.
• Traduction du Cœur du monde.
• Août-Septembre : Épître de Saint Jacques.
• Octobre-décembre : Le Mystère de l’enfance (Œuvres posthumes. Tome VII).
• Novembre : Première épître de Saint Pierre.
• Décembre-janvier 1947 : Théologie des sexes (Œuvres posthumes. Tome XII), avec des ajouts postérieurs.

1947

• Début d’année : Commentaire du Récit du pèlerin et du Journal spirituel de SPN [Sanctus Pater Noster, Saint Ignace de Loyola].
• Deuxième épître de Saint Pierre.
• Mars : La Passion selon Saint Matthieu et d’autres contemplations de la Passion.
• Été : « Expériments christologiques » (Œuvres posthumes. Tome VI).
• Portraits de saints.
• Octobre : Épître aux Éphésiens, Job, Le Cantique des cantiques, Dits.
• Novembre-décembre : Expériences d’Avent (Œuvres posthumes. Tome VI).

1948

• Janvier : Isaïe, Daniel.
• Printemps : La vie de Marie dans la prière.
• Été : Épître aux Philippiens.
• Octobre-décembre: La Confession.

Dans le cadre de ce volume, on aurait certainement pu ajouter l’année 1949, avec L’État de vie chrétien, le commentaire de La Première épître aux Corinthiens, Le Monde de la prière, Élie, quelques exégèses des psaumes. Mais cela aurait fait éclater les limites de ce livre. À partir de 1950, Adrienne voit ses forces s’épuiser à tel point qu’elle ne dicte plus que de petits ouvrages. Les paroles, les expériences et les nouvelles pénitences exigées d’elle pendant ces longues et silencieuses années jusqu’à sa mort ont été recueillies dans le volume III de son Journal.

Soulignons qu’ici aussi, comme dans le volume I, les textes se suivent de façon chronologique et présentent par conséquent bien des disparités de longueur et de thématique. Mais il suffira de les lire sans hâte pour voir se dégager des lignes continues sous la variation et la succession des thèmes.

D’après la préface de Hans Urs von Balthasar

Pour approfondir

• Hans Urs von Balthasar, « Allgemeine Einleitung in die Nachlassbände » [Introduction générale aux tomes de l’œuvre posthume d’Adrienne von Speyr], dans Adrienne von Speyr, Das Allerheiligenbuch I, (coll. Die Nachlasswerke 1), Einsiedeln, Johannes Verlag, 1966, pp. 7‑32.
• Hans Urs von Balthasar, Premier regard sur Adrienne von Speyr