Ce livre a été publié en 1965 chez Benzinger, à un moment de vifs débats autour de l’identité du chrétien. Si le Concile Vatican II a ouvert des pistes pour repenser le rôle et la mission du chrétien dans le monde, beaucoup de voix ont introduit dans ce concert des éléments étrangers, idéologiques mêmes, propres à égarer les croyants. Balthasar entend ici interroger les présupposés et les impensés de ces nouvelles théologies.

Voici ce qu’il affirme dans le premier chapitre : « La question de savoir ce qu’est un chrétien accompagne toutes les tentatives de réforme de l’Église actuelle mais ne fait pas l’objet d’une réflexion propre. Cela veut dire que, si la question est présente, on fait, d’une part, comme si on connaissait déjà la réponse et qu’il suffisait de partir de ce que l’on connaît pour ensuite prendre les mesures nécessaires ; d’autre part, on s’arroge la liberté, face aux réponses transmises et aux modèles du chrétien reçus de la Tradition, d’y suspecter de l’idéologie, et ainsi l’on mesure ces modèles à l’aune d’un critère dont on se sert mais sans en avoir auparavant rendu raison. Il n’est pas très difficile de mettre à jour ce critère impensé et pourtant si évident, car il se dégage de lui-même des principales tendances du christianisme actuel : je veux dire de ces tendances bien intentionnées, acclamées par la multitude, mais qu’il est urgent de passer au crible d’un examen critique » (tr. mod.). Dans la suite du livre, Balthasar montre que la tâche du chrétien consiste à passer d’un « Dieu derrière nous », comme le proposent plusieurs tendances principales du christianisme actuel (chapitre II), à un « Dieu devant nous », comme nous y invite la regula fidei d’aujourd’hui et de toujours (chapitre III). C’est là la seule condition pour qu’un chrétien se désapproprie réellement de lui-même, accueille en lui le Seigneur et accomplisse sa mission dans le monde créé pour le Père (chapitre IV).