Contrairement au livre bien plus simple sur Marie qu’est La Servante du Seigneur, les textes présentés ici, nés pour l’essentiel plus de dix ans après, plongent dans les ultimes profondeurs de la doctrine mariale. Chaque texte constitue une contemplation indépendante. Mais ils tournent tous autour d’un même centre mystérieux que l’on peut définir avec les expressions « pré-rédemption », « co-rédemption ». Adrienne von Speyr ne se laisse pas arrêter par des réserves superficielles au sujet de ces concepts. Elle sait très bien qu’une distance infinie sépare l’action de l’homme-Dieu de celle de sa Mère « qui laisse advenir ». Mais elle perçoit, entre la Mère et le Fils, une unité nécessaire, fondée aussi bien dans l’ordre naturel que dans l’ordre de la grâce. Adrienne scrute cette unité jusque dans ses fondements cachés : dans la décision éternelle du salut prise par le Dieu Trinité, dans le déroulement de l’histoire du salut avant et après l’incarnation du Christ. Pour autant, elle ne perd pas de vue le caractère absolument concret de la relation entre la Mère et l’Enfant, entre cette Mère et cet Enfant, ainsi que la personnalité tout à fait concrète de Marie.

Adrienne von Speyr est pleinement consciente qu’il restera toujours un noyau de mystère (chose qu’elle souligne souvent), mais elle y tourne autour en s’approchant de tous les côtés, et le fait avec une force spéculative tellement extraordinaire qu’on peinera à trouver quelque chose de semblable dans la littérature mariologique.

Extrait de l’introduction de Hans Urs von Balthasar