Nous présentons ce petit pamphlet de 1966 en reprenant des mots du Cardinal Ratzinger (devenu plus tard le Pape Benoît XVI). Ce dernier décrit le contexte ecclésial précis dans lequel Balthasar a pris la plume et souligne l’importance de ce livre qui rappelle le sérieux de la vie et de la doctrine chrétiennes. On trouvera aussi une allusion à Qui est chrétien ?, autre opuscule écrit par le théologien suisse à la même époque :

Hans Urs von Balthasar « n’avait pas pris part aux travaux du Concile Vatican II. Au vu de ce qu’il aurait pu apporter, on ne peut que le regretter fortement. Mais cela eut aussi son côté positif. Car la distance à partir de laquelle Balthasar observait les faits, lui donna une indépendance et une clarté de jugement qui étaient impossibles lorsque l’on avait soi-même été pris durant quatre ans au cœur des événements. Il avait reconnu et accueilli sans réserve la grandeur des textes conciliaires, mais il vit aussi comment tout autour s’était installée une foule d’esprits médiocres qui cherchèrent à profiter de l’atmosphère conciliaire pour acquérir de l’importance ; et ils le firent simplement en employant un langage qui méconnut la mesure de la foi et avança des exigences et des affirmations correspondant au goût des contemporains et à l’aspect stimulant parce qu’on les avait tenues jusque-là pour incompatibles avec la foi de l’Église. Origène avait dit une fois : les hérétiques ont une pensée plus profonde mais pas plus vraie. Il me semble que, pour le temps postconciliaire, il faille un peu modifier la phrase et dire : leur pensée apparaît plus intéressante mais au prix de la vérité. Affirmer ce qui avait été impossible jusqu’alors fut présenté comme le prolongement de l’esprit du Concile. En d’autres termes, on pouvait se rendre intéressant à peu de frais sans rien apporter de substantiellement nouveau et créatif, mais en se contentent de resservir les vieilles rengaines de la pensée libérale comme s’il s’agissait d’une théologie catholique nouvelle. Balthasar a pris d’emblée la mesure de ce processus où le côté intéressant a eu plus d’importance que la vérité, et c’est avec toute l’inflexibilité de sa pensée et de sa foi qu’il a pris position contre. Cordula ou le cas sérieux, paru en 1966, apparaîtra de plus en plus comme un classique de la polémique en la matière, et comme un livre digne d’être placé à côté des grands écrits polémiques des Pères qui nous ont appris à distinguer entre la gnose et le christianisme. Un an auparavant était sorti le petit opuscule Qui est chrétien ? qui frappait par la clarté de ses critères de discernement avec lesquels il enseignait à distinguer le christianisme authentique des christianismes de fantaisie construits à la carte. Avec ces écrits, Balthasar avait fait exactement ce qu’il définissait en 1972 comme étant la tâche de Communio : « il n’est pas question de bravoure, mais tout de même du courage chrétien de s’exposer ». Lui-même s’était exposé et il l’avait fait certainement dans l’espérance que ses cris de trompette puissent reconduire la pensée théologique sur le terrain solide de la foi. » (Joseph Ratzinger)